Patrimoine : une aventure humaine

Né du génie humain

C’est le terroir qui fonde le concept des Appellations d’origine. Un terroir est une zone géographique particulière où une production tire son originalité directement des spécificités de son aire de production. Espace délimité dans lequel une communauté humaine construit au cours de son histoire un savoir-faire collectif de production, le terroir est fondé sur un système d’interactions entre un milieu physique et biologique, et un ensemble de facteurs humains. Là se trouvent l’originalité et la typicité du produit.

La steppe de la Crau a été en grande partie mise en valeur depuis le XVIe siècle par la création de canaux d’irrigation qui détournent l’eau de la Durance vers ces terres arides, sous un climat particulièrement sec et venté. L’existence de prairies de fauches irriguées par submersion a été rendue possible grâce à cette eau prélevée sur la Durance et acheminée par ce réseau de canaux élaboré entre le XVIe et le XXe siècle.

La flore de ces prairies de fauche développée sur des sols limoneux calcaires perméables est spécifique. Cette flore est définie dans le décret de l’appellation d’origine du Foin de Crau AOP.

On ne remerciera jamais assez Adam de Craponne pour ce qu’il a fait pour nous !

Né à Salon-de-Provence en 1526 dans une famille d’origine pisane, Adam de Craponne se destinait à une carrière militaire. Il poursuit des études puis se rend à la cour du roi Henri II où il devient ingénieur, officier chargé des fortifications. C’est ainsi qu’en 1552, il est missionné pour renforcer et réorganiser les défenses de Metz, que menace Charles Quint.

Portrait d’Adam de Craponne (1526-1576), A. Marchi

Aussi ambitieux qu’entreprenant, Adam de Craponne obtient en 1554, alors qu’il n’a que 28 ans, l’autorisation du roi de dériver l’eau de la Durance. Elle est matérialisée le 17 août par un arrêté des présidents et maîtres rationaux de la chambre des comptes et archives du Roi en Provence, qui lui accorde « permission et licence à son profit et pour jouir, user et disposer des eaux par les terroirs de la Roque, Lamanon, Salon et autres lieux où bon lui semblera et où lesdites eaux pourront être conduites ».

Les travaux commencent aussitôt, grâce à l’argent de sa famille. Habilement, il fait appel aux communautés des villages desservis, le peuple des travailleurs de la terre fournissant les journées de prestations nécessaires dans chaque village.

Il réalise d’abord un petit canal, étroit, dont la prise est établie près de Silvacane, puis court jusqu’à Salon-de-Provence : « Il pénétrait dans la ville de Salon par la descente de la Baume, au quartier du Paradou et de là les eaux arrivaient aux remparts vers la porte de Pélissanne puis se jetaient dans ‘les garias’, fossé qui entourait la vieille ville ».

En prouvant que l’entreprise peut être un succès, Adam de Craponne obtient des crédits. Parmi les prêteurs, Nostradamus, médecin réputé, auteur de livres prisés et protégé de la reine Catherine de Médicis ainsi que la ville de Salon de Crau.

La suite est exaltante ! Le 13 mai 1557, ce canal d’essai est mis en eau pour la première fois, puis il fut agrandi. Des travaux de parachèvement durent encore être exécutés, qui firent que l’eau ne fut permanente jusqu’à Salon qu’à partir du 30 avril 1559.

Conduit par les frères Ravel, anniveleurs (géomètres) au service de Craponne, le chantier se poursuit vers Pélissanne et Lançon, puis Grans et Istres. Une autre branche se détachait à Lamanon pour Eyguières. Enfin, en 1561, proposition est faite aux consuls d’Arles de leur amener les eaux de Durance. Par la suite, Craponne interviendra sur la Durance en amont, aux Mées. En 1576, il meurt à Nantes, sans doute empoisonné par des concurrents.

Le 3 mai 1581, les frères Ravel, continuateurs de l’œuvre de Craponne, obtiennent des consuls d’Arles le droit de construire un canal pour arroser la plaine de la Crau. Ils ont demandé et obtenu l’appui de Robert de Montcalm, conseiller du roi et président en sa cour du Parlement d’Aix, qui consacre jusqu’à sa mort en 1585 une partie de sa fortune pour construire dans un temps record le canal d’Arles. Une aubaine pour les paysans de Crau.