Patrimoine : une aventure humaine

Les canaux d'irrigation

Dès le XVIe siècle, la création des premiers canaux par Adam de Craponne a ainsi permis d’amener l’eau de la Durance sur les terres de Crau. Jusqu’au XXe siècle, cette desserte s’est progressivement étoffée, avec la construction de nouveaux canaux et l’extension d’un réseau de filioles extrêmement dense, arrosant une surface de près de 20 000 hectares.

L’Œuvre Générale de Craponne a pris naissance par une transaction du 16 février 1583 entre les intéressés à l’exploitation des branches d’Arles et de Salon du canal de Craponne. La branche de Salon a été construite, de 1554 à 1559, par Adam de Craponne puis elle est concédée à l’Œuvre Générale de Craponne le 20 octobre 1571.. Celle d’Arles, dérivée au col de Lamanon d’un tronc commun résultant de l’agrandissement de la branche de Salon, a été construite de 1581 à 1583 par les Frères Ravel.

La branche d’Arles alimentant les arrosants de la Crau (Aureille, Mouriès, Saint-Martin-de-Crau, Arles), la branche d’Eyguières et la branche d’Istres (canal de Grignan), et la branche de Salon, se dirigeant vers le sud, assurent les arrosages de Salon, Pélissanne, Lançon, Cornillon, et Grans, en se divisant en deux branches (Pelissanne et Grans).

À deux pas, au nord de la Crau, notons la création de l’Œuvre Générale des Alpines en 1813 par le regroupement des intéressés au canal domanial des Alpines, titulaires de concessions particulières accordées par l’État, la Province ou le Département. Les canaux du système des Alpines Méridionales, construits après le canal de Craponne, sont venus compléter les dotations des zones qui n’avaient pas pu encore être desservies. C’est le cas pour le canal du Secours, qui renforce la dotation de la branche d’Arles de Craponne. C’est la Province qui avait entamé les premiers travaux de la branche septentrionale appelée canal de Boisgelin du nom de l’Évêque de Boisgelin dirigeant de celle-ci, pour amener les eaux à Tarascon par le nord des Alpilles. À la même époque, des régions mal irriguées par le canal de Craponne ou pas desservies, à la demande du Chevalier Cappeau et de son cousin, viguier en chef d’Istres, obtiennent le changement de direction de cette eau. C’est la construction du canal qui prit le nom des Alpines, branche méridionale, par arrêté de l’administration centrale du 8 décembre 1791, amenant l’eau de Lamanon jusqu’au partiteur du Merle.

Tous les aménagements hydrauliques poursuivent le même but : distribuer l’eau en respectant les droits attribués à chaque parcelle. Chaque ruisseau doit avoir un débit précis et suffisant pour irriguer convenablement toutes les parcelles.

Le partiteur du Merle, à Salon-de-Provence, conçu au XVIIIe siècle, est encore parfaitement opérationnel et permet de répartir l’eau sur la partie Est de la Crau par le biais d’un vaste réseau de canaux.

Un réseau de ruisseaux

L’irrigation à partir d’un canal réclame la mise en place d’une organisation et de moyens techniques pour que chaque arrosant puisse profiter de l’eau. Le canal de Craponne s’est donc doté d’un ensemble de réseaux de ruisseaux pour conduire l’eau jusqu’aux terres. Nous trouvons ces ruisseaux d’arrosage sous les noms de fossé, vallat, eygage, caniveau, rigole, filiole ou fiole. Ces fossés longent les parcelles de terre à arroser et sont munis d’ouvertures à cet effet.

Les rigoles et les filioles sont de petits conduits d’écoulement réalisés à main d’homme. Ces systèmes d’irrigation ne font pas appel à des techniques savantes mais à un savoir-faire paysan méticuleux.

La mise en place et le développement des canaux secondaires d’arrosage constituent une nécessité technique. Les berges du canal ne supportent pas d’être fragilisées par des prises d’eau nombreuses et il convient de conduire l’eau jusqu’à des parcelles parfois éloignées. Chaque ruisseau est destiné à une ou plusieurs parcelles très précises. C’est de cette manière que la quantité d’eau utilisée est définie.

Du foin de Crau dès le XVIe siècle ?

“L’arrivée de l’eau de Durance a permis de mettre en culture des espaces qui n’étaient que des terres de parcours pour un élevage extensif. Nous pouvons déterminer la nature des cultures irriguées grâce aux documents d’archives de l’Œuvre Générale de Craponne, qui dispose des actes de droits d’eau dans lesquels les superficies et les cultures sont mentionnées. Les premières cultures irriguées furent les fourrages, les céréales, les oliviers et la vigne. La mise en place des prairies en Crau a connu ses balbutiements à la fin du XVIe. Les mots “près”, “prairie”, “prades” et luzerne sont fréquents dans les actes des XVIe et XVIIe siècles. Adam de Craponne participa personnellement au défrichement et à la mise en culture des terres incultes. Il achetait avec les frères Ravel des parcelles de terre afin d’y semer des prairies pour le bétail et d’y planter de la vigne. Associé à des cultivateurs, les frères Surian, l’ingénieur loua à l’archevêque d’Arles des Coussouls de Crau d’une superficie d’environ 200 hectares. Si ce projet ne se réalise pas complètement faute de temps et d’argent, cette volonté de mettre en culture de nouveaux espaces agricoles se poursuivit après lui. Nous ne pouvons pas donner la quantité de fourrage produite ni la surface que représentait les prairies par rapport aux autres cultures en cette fin du XVIe mais il est probable que ces nouveaux près donnaient une production permettant d’effectuer de façon régulière trois coupes de foin par an ainsi que les herbages d’hiver. »

Extrait de
“L’irrigation en Provence : des aménagements et des pratiques au cœur des transformations économiques, environnementales et sociales”, Marylène Soma-Bonfillon, Annales du Midi, Année 2010

Un système ancien et complexe de gestion des canaux
Association Syndicale Constituée d'Office (ASCO)

Les arrosants de la Crau
Depuis 1626

Nombre d’adhérents : 1 800, 2 300 indirects
12 000 hectares de périmètre cadastré
Dotation conventionnelle maximale : 13 180 litres/seconde
Canaux/filioles gérés : 42 km

Mission : transporter et distribuer l’eau dans les meilleures conditions de sécurité, de quantité et de qualité.

Le Territoire concerné par le contrat de Canal Crau-Sud Alpilles est défini par la zone d’influence desservie par l’eau brute des canaux d’irrigation porteurs de la démarche.
Ces dix canaux porteurs sont gérés par des Associations Syndicales de Propriétaires (ASA, ASCO, ASL), qui comptent parmi les plus méridionales du système d’irrigation attaché à la Durance.
L’ensemble de ces dix canaux sont alimentés en amont du territoire concerné par le canal commun de l’Union Boisgelin Craponne, qui assure le transfert de l’eau depuis une prise sur le canal usinier d’EDF à Lamanon. Cette eau est issue du barrage de Serre-Ponçon dans les Hautes Alpes.
16 communes sont concernées par les canaux porteurs de la démarche.

Aujourd’hui et depuis l’arrivée de l’eau en Crau, il y a plus de quatre siècles, le mode d’exploitation des prairies est resté inchangé.

Les prairies naturelles sont irriguées par submersion tous les 7 à 10 jours d’avril à octobre, grâce à un système de canaux constitué de :

  • 400 km de canaux principaux et secondaires gérés par des Associations Syndicales Autorisées (ASA) ou des Associations Syndicales libres (ASL)
  • Et 1 600 km de filioles privées.

Photo Antoine Naudet